Partir comme envoyés à l’étranger, ce n’est pas un job comme un autre. On ne peut pas rentrer du travail et se dire: « je ne travaille plus, c’est ma vie privée, je fais ce que je veux. » Ça, on le savait avant de partir, et on est totalement en accord avec, on est ambassadeur de l’ONG qui nous envoie, même en dehors des heures de travail. On savait aussi que ce choix impliquait toute la famille. Nos enfants ont changé de pays, d’école, de copains, pour suivre leurs parents dans ce projet professionnel. Notre travail a donc un impact très important sur notre vie privée de tous les jours. Et cela apporte aussi de nombreuses richesses, on s’adapte, on découvre une nouvelle culture, un nouvel environnement.
Ce que j’avais moins réalisé avant de partir, c’est que nous travaillerions dans le même projet. C’est un peu bête dit comme cela, mais je m’explique. En Suisse, nous étions tout les deux enseignants mais dans des écoles différentes, avec chacun nos collègues et notre fonctionnement. Ici, on travaille dans le même projet, on n’a pas le même cahier des charges, mais les mêmes collègues, les mêmes objectifs.
Je vous rassure tout de suite, pour l’instant (et il n’y a pas de raison que ça change,) ça se passe très bien, on est de bons collègues, Nicolas et moi.
Mais je me rends compte qu’il est plus difficile de séparer vie privée et vie professionnelle. D’autant plus dans la phase d’installation, ou notre « travail » est justement de s’installer et trouver nos marques. Mais même maintenant qu’on commence à être dans l’opérationnel, ce n’est pas facile de séparer les deux. Pour donner un exemple, mardi soir, Nicolas est revenu de sa première journée d’observation dans les écoles. Sylvain lui a demandé comment s’était passe sa journée et il a commencé à raconter. Je n’ai pas pu m’empêcher de lui poser des questions plus précises sur ce qu’il avait observé, et en rentrant dans les détails, je suis passé au côté professionnel. Mais du coup, les enfants s’ennuyaient de nos discussions.
La différence entre se raconter notre journée de travail (ou la raconter à nos enfants), comme on le faisait en Suisse, et travailler sur le projet est assez ténue. Lorsque je raconte la panne de la voiture, je suis dans le raconter, mais quand je raconte comment on a observé les enseignants ou même certaines petites anecdotes, je passe vite au partage lié au projet, et il suffit de peu pour qu’on embraye sur des questions professionnelles.
Dans le fond, il n’y a pas forcement de souci à mélanger privé et professionnel, mais il faut qu’on soit attentif à prendre des moments où on ne parle plus du projet, où on est réellement en famille, ou on déconnecte. Et faire attention de ne pas trop saouler nos enfants avec des discussions professionnelles, surtout autour de la table familiale.