Lors des missions sur le terrain, les formations sont données en malgache pour que les gens comprennent. En effet, même si le français est enseigné à l’école, une minorité de malgaches parlent vraiment bien le français. Lorsque je prend la parole, je m’excuse de ne pas encore maîtriser leur langue et quelqu’un traduit. Du coup, j’ai assisté à des formations de plusieurs heures en malgache. Quelques fois, quelqu’un a pu me traduire, au moins en partie, mais pas toujours.
Alors, est-ce que je parle malgache? Kely kely (un petit peu).
Je me retrouve dans la position de mes anciens élèves (élèves allophones) qui sont baignés par une langue qu’ils ne connaissent pas et qui petit à petit, arrivent à se débrouiller. Certains sont perdus alors que d’autres s’accrochent à pleins de petits détails. De mon côté, je m’accroche aussi à tout ces détails, je regarde la gestuelle, les mimiques, tout le non-verbal, et ça dit déjà beaucoup. Je m’accroche aux quelques mots de vocabulaires que j’ai appris, aux mots de français qui sont utilisés et aux mots proches du français ou de l’anglais, qui permettent l’intercompréhension. Et avec cela, j’arrive à comprendre le contexte.
Lors d’un travail de groupe, une personne s’est proposée pour me traduire les échanges et à un moment, j’ai fini sa phrase. Elle m’a dit: « Tu comprends le malgache? » Oui, un peu, je n’ai pas les nuances ou les détails, mais le contexte, j’arrive souvent à le repérer.
Certains malgaches m’ont dit que leur langue était très facile, d’autres qu’elle était difficile, qui croire? En fait, je dirais que les deux ont raison, car pour certains aspects, je trouve facile, mais pour d’autres, c’est difficile. Je m’explique.
Tout d’abord la phonétique. Pour bien pouvoir lire le malgache, il faut savoir que ce sont les anglophones qui l’ont transcrite. Ainsi, il « suffit » de lire comme on lirait de l’anglais et on se débrouille déjà pas mal. La lettre O se dit « ou » par exemple. Autre élément important, la dernière voyelle se prononce à peine et est même souvent escamotée. Il n’y a pas de C (le S et le K suffisent) et les lettres ont presque toujours la même valeur (parfois 2 lettres combinées peuvent faire un autre son, exemple TR = « tch », alors que le R seul fait « r »).
L’ordre des mots dans la phrase est pour moi difficile et je ne peux pas encore vous l’expliquer. Ça n’a rien à voir avec le français, c’est une autre logique. Par contre, quasi pas de conjugaison, on indique juste le temps du verbe avec un préfixe. Pas de masculin ou de féminin, ni de déterminant. Du coup, même si je comprends un peu, je ne suis pas encore capable de parler au delà de mots isolés, je ne peux pas faire des phrases.
Au niveau du vocabulaire, il y a des emprunts à l’anglais (boky = livre; sekoly = école) et au français (lakile = clé; lasopy = soupe), mais aussi des emprunts à l’arabe (certains jours de la semaine, alatsinainy = lundi) et d’autres mots dont je ne connais pas l’origine et qu’il faut donc mémoriser. Par contre, l’utilisation de préfixes est très courant et permet de transformer un nom en adjectif ou en verbe. C’est assez pratique, mais ça peut aussi amener à des confusions. Par exemple, étudier se dit « mianatra » (mianatch’), l’élève se dit « mpianatra » (pianatch’), enseigner « mampianatra » (mampianatch’) et l’enseignant « mpampianatra » (pampianatch’). Du coup, ce n’est pas toujours facile de distinguer si on parle des élèves, des enseignants ou de la relation d’enseigner. Bon, vous me direz, en français aussi ce sont des mots proches.
Pour conclure, je m’imprègne de cette langue et j’essaie de la comprendre au mieux, car je sais que cela me permet d’être plus proche des gens. S’intéresser à l’autre passe par la langue et la culture et les gens sont touchés lorsqu’on essaie, même avec peu de mots, de se faire comprendre. Même si parfois, ils ne comprennent pas ce qu’on dit parce qu’ils ne s’attendent pas à nous entendre parler malgache. Je persévère donc dans l’apprentissage d’un vocabulaire de base et j’espère bientôt pouvoir commencer à faire des phrases.